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vendredi 7 février 2014

Nagou, enfin !


Il nous faut deux heures et demie pour atteindre le village. Nagou est beaucoup plus éloigné de Dapaong que Tamatogou. La route fait un grand détour pour atteindre le village. Le paysage est magnifique. Grâce à l'averse d'hier, ça et là des pousses vertes sortent de terre. Les feuilles brillantes et vert-tendre nous montrent que la vie est là, tout près, prête à surgir du sol au moindre... coup de pousse ! Anani, l'un des contacts désigné par le RC Dapaong, pour nous aider nous accompagne. C'est une mine de renseignements. Anani est originaire de Nagou, il nous en raconte l'histoire et nous aide à comprendre le fonctionnement du village.

Le plateau de Nagou



Fonctionnement du village :

Vers 1800, un nommé Siknayre a fondé le village sur le plateau. il eut trois fils, Soukouk (l'aîné), Bingpeg (qui veut dire apaiser) et Yempane (le benjamin). Ces trois fils ont donné naissance à trois clans qui perdurent aujourd'hui. Anani appartient au clan Bingpeg. C'est absolument fascinant de voir comment la tradition orale a transmis cette histoire. Nous connaissons tous un petit village en France mais personne n'a aucune idée de la façon dont il a été fondé (sauf peut-être en allant fouiller dans les archives poussiéreuses du département). 


Patrick, Anani et Aline


L'autorité du village appartient à chaque clan de façon rotative, chaque clan a donc à son tour un chef de village. Quand le chef meurt, une journée entière est dédiée aux élections. Car le chef est chef du village à vie. Oui, c'est surprenant pour nous. Mais il faut bien comprendre que le temps ici ne se mesure pas de la même façon qu'en France. Il faut savoir aussi que le chef de village reçoit ses ordres administratifs du canton qui le reçoit lui-même de la préfecture. Nous avons donc une organisation administrative à la française plaquée sur une organisation villageoise traditionnelle. C'est un peu compliqué pour nous à comprendre mais grâce à Anani, nous y voyons un peu plus clair. 

Des comités actifs et motivés :

Le Togo, qui est en pleine décentralisation, a mis en place des comités villageois de développement, CVD. Ce sont eux les moteurs de développement. Ils ne font pas de politique et, à Nagou, les trois clans sont représentés en leur sein. Il y aussi un autre comité très important, sans qui rien ne se fait : le comité des femmes. Rien ne se fait sans les femmes. Tiens donc, nous voici en terrain connu !
Il existe encore d'autres comités (parents d'élèves, santé-eau, anciens, grottes, jeunes...) Ils s'entrecroisent parfois mais aujourd'hui nous avons principalement affaire au CVD et au comité des femmes. 


 Les villageois nous attendent. Ils ont sortis les tables bancs des deux salles de classes et nous sommes tous installés à l'ombre sous un gros manguier. Anani sera notre traducteur. Le français est enseigné à l'école mais 60% de la population est analphabète et n'y a donc jamais mis les pieds. Anani semble être un bon traducteur et ses paroles soulèvent l'enthousiasme des villageois. Nous voulons absolument faire passer l'idée que nous ne pouvons rien faire sans eux et que nous voulons travailler en étroite collaboration. Aujourd'hui, nous sommes là pour les écouter, faire un état des lieux, comprendre leurs besoins. Ananni  explique que c'est à eux de nous dire ce dont ils ont besoin. Il explique aussi que nous nous voulons mettre en valeur leur village, en faire un village modèle. Dis autrement, le projet ambitieux de coup de pousse n'est rien moins que de créer un économie de marché dans ce village. 
C'est un projet ambitieux mais réaliste car Nagou a beaucoup d'atouts : un CVD dynamique, un comité des femmes très actif et des sources potentielles de revenus additionnelles (en plus des marchés et de l'agriculture) qui sont les grottes de Nok qui appartiennent au village.







Le comité des femmes est en face de nous. C'est peut-être parce qu'elles sont très attentives et concentrées mais elles ont l'air très sévères. Il ne faudra pas leur en conter. Nous verrons après que je m'inquiète pour rien.









Après avoir traduit tout ce qu'il fallait, Anani nous quitte par discrétion pour nous laisser discuter avec les habitants. Aline et moi nous éloignons avec le groupe des femmes. Nous allons sous un autre arbre et l'une d'elle se propose pour traduire. À vrai dire, nous sommes un peu intimidées, elles, comme nous, comme des personnes que tout sépare mais mis en présence par une volonté mutuelle de coopérer. Mais la glace est vite rompue et bientôt, à l'aide de Djanamié, notre traductrice du jour, nous discutons et elles nous racontent leurs difficultés quotidiennes.


Aline et Djananié qui attend son deuxième enfant pour mars

 Elle nous confirment alors que nous sommes totalement passés à côté d'un problème bien réel : la malnutrition. Les femmes nous disent en effet qu'à 11h « les enfant fuient l'école »  parce qu'ils ont faim. Et nous, nous n'avions même pas pensé à cela ! La période de soudure, entre la fin de la saison sèche et celle des pluies est particulièrement dure. Didier, un des autres contacts désigné par le RC Dapaong pour nous aider, nous en a déjà parlé la veille, lors d'une réunion à notre retour de Tamatogou.  Pourquoi ne pas y avoir pensé ? La mortalité infantile est effrayante au Togo : 15% chez les moins de 5 ans, dont 50% entre 0 et I mois. On ne peut s'empêcher de penser que si les enfants étaient mieux nourris, ils résisteraient mieux à la maladie. Demain nous visitons l'unité pédiatrique de Dapaong avec Séverin, nous aurons donc plus d'infos. 


Le comité des femmes,  au centre,  le leader d'un comité primordial : le comité eau

Nous ne pourrons pas sauver le monde mais nous pouvons au moins aider à ce que les enfants de Nagou n'aient plus faim. Nous avons donc pensé à faire une cantine scolaire pour le jardin d'enfants et pour le primaire. Ce sera une motivation très forte pour venir à l'école (et leur enseigner ce qu'on y apprend d’habitude mais aussi les règles d'hygiène élémentaires). L'idée serait de faire cette cantine gratuite pour le jardin d'enfants et payante pour les primaires. Les grands finançant les petits. Et nous nous rendons compte immédiatement que ces femmes ont l'habitude de prendre les choses en main et sont organisées. A peine énoncé le concept de cantine, elles pensent déjà au côté pratique, elles feront des tours de cuisine... On les sent motivées, volontaires. Le secrétaire diocésain nous dira le lendemain qu'ici l'homme est le maître et que la femme fait tout. D'après ce que nous avons déjà vu, c'est probablement vrai !

Puis viennent les problèmes liés à l'eau ...








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